UNE COMMUNAUTÉ DISCRIMINÉE
L’atteinte aux droits
La communauté des Gens du voyage, très variée de part ses origines, sa religion, ses traditions comporte de nombreux points communs, parmi lesquels les fortes discriminations dont ils sont victimes. Plus pauvres, moins éduqués, ayant moins recours que la moyenne aux différents droits et allocations dont ils pourraient bénéficier, ses membres sont confrontés à de nombreuses difficultés dans leur vie quotidienne : trouver une place de stationnement, accéder à l'eau et à l'électricité, devenir propriétaires d'un terrain où poser la caravane, inscrire ses enfants à l'école, trouver des interlocuteurs dans leurs démarches. D'où la volonté d'APATZI de se pencher sur ces questions...
Le rapport de la Défenseure des droits alarmant
Le cadre du rapport
En octobre 2020, la Commission européenne a publié une proposition de Recommandation, finalement adoptée par le Conseil européen le 12 mars 2021 sur “l’égalité, l’inclusion et la participation des Roms”. Les États sont alors invités à élaborer leur stratégie nationale, particulièrement dans sept domaines clés : égalité, inclusion et participation, éducation, emploi, santé et logement.
C’est donc dans ce cadre que la Défenseure des droits, Claire Hédon, a été saisie par la Délégation interministérielle pour l’hébergement et l’accès au logement, DIHAL.
Le terme Roms renvoie ici à la politique de l’Union européenne. C’est pourquoi, “dans un souci de cohérence au regard du contexte national”, la Défenseure a présenté sa contribution en deux volets, l’une consacrée aux Roms migrants et l’autre aux “Gens du voyage”.
Que dit le rapport ?
Il énumère toutes les discriminations dont sont victimes les Gens du voyage, dans les différentes facettes de leur vie quotidienne : liberté de circulation, droits liés aux services de santé, à l’éducation, à la protection sociale, accès aux services essentiels tels que l’eau etc
Les constats s’appuient sur les témoignages fournis par les associations concernées mais aussi les dernières études européennes relatives à la discrimination. Dans une étude récente, l’Agence européenne des droits fondamentaux confirme l’existence de discriminations systémiques et structurelles auxquelles les Gens du voyage sont confrontés.
Le rapport présente une série de constats et de recommandations visant à “la protection effective des droits des Gens du voyage”. Ceux-ci sont au nombre de quinze. Parmi les plus importantes figurent la nécessité :
l d’améliorer le recours aux droits des Gens du voyage au travers de la formation des délégués sur tout le territoire
l d’atteindre la reconnaissance pleine et entière du mode de vie itinérant en rappelant que la caravane doit être reconnue comme logement
l de revenir sur la loi du 5 juillet 2000, ineffective. Le déficit en aires d’accueil persiste, aggravé par le transfert des compétences, dans ce domaine, des communes vers les EPCI (établissements publics de coopération intercommunale)
l de mettre en oeuvre le pouvoir de substitution du préfet en cas de non-respect des obligations de création d’aires d’accueil
l de rappeler l’obligation faite aux communes, via les CCAS (centres communaux d’action sociale), de domicilier les Gens du voyage, ce qui encore fréquemment refusé
l de permettre l’accès à l’eau, reconnu comme un droit fondamental.
Le rapport est téléchargeable dans son intégralité :
https://www.defenseurdesdroits.fr/rapport-gens-du-voyage-lever-les-entraves-aux-droits-269
Pour en savoir plus : https://www.defenseurdesdroits.fr
L’enquête de William Acker
William Acker est juriste. Issu de la communauté des Gens du voyage, il en est aujourd'hui un des représentants reconnus auprès des pouvoirs publics. Il est par ailleurs délégué général de l’ANGVC, association nationale des Gens du voyage citoyens (anciennement catholiques).
En avril 2021, sort Où sont les Gens du voyage ? Inventaire critique des aires d’accueil, le résultat de l’enquête passionnante et inédite qu’il mène depuis trois ans. Il explique : “Chez nous, on dit toujours “si tu cherches l’aire d’accueil, cherche d’abord la déchèterie”. C’est l’accident de l’usine chimique Lubrizol, à Rouen, qui m’a convaincu de travailler sur le sujet. Car c’est à côté de ce site classé Seveso qu’a été installée l’aire d’accueil. Au moment de l’accident, les Gens du voyage n’ont pas été évacués, on leur a demandé de se confiner dans leurs caravanes. Ils ont subi un traitement indigne.”
À partir de là, William Acker se lance donc dans un long travail de recensement et fait un constat accablant. Les aires d’accueil sont dans leur grande majorité situées aux abords de déchèteries, de stations d’épuration, d’usines, de centres de rétention, de stands de tir… “Ce sont toujours des lieux de relégation” commente-t-il.
Son ouvrage de quelque 250 pages se divise en deux parties: une analyse sociologique et politique de la situation actuelle des Voyageurs et des raisons des discriminations qu’ils subissent et un inventaire de 1358 aires d’accueil en France, dont 51% sont polluées…
À lire: Où sont les Gens du voyage ? inventaire critique des aires d’accueil, éditions du commun, avril 2021, 18 €